Snap back to reality - Carys

Il n'y eut aucune banderole de bienvenue. Ni foule, ni cotillon. Juste un père et un frère qui l'attendait sur le canapé, comme s'il revenait d'un week-end au soleil. Il y avait toujours la même odeur, au moins ici, rien n'avait changé, à l'instar de cette famille déchirée.
Pourtant, c'était la fête dans sa tête.
A eux trois ils ont bu douze bières, c'est bien peu face à la liberté. Mais il fallait bien qu'ils reprennent leur vie. Silas a dormi, d'un œil seulement comme les trois années précédentes. Il y avait la douceur des draps et le moelleux du matelas mais les méfiances ne s'envolent pas comme ça. Ce n'est qu'en soirée, appartement vide, qu'il émergea. Là il eut le temps de redécouvrir sa chambre de gosse. Sa collec' de comics, ses vieilles fringues usées, il pourrait croire que rien n'a bougé.

Vendredi soir. Jour de débauche. Libération, c'est enfin le week-end. Il savait que le centre ville serait vivant et c'est ce qu'il cherchait. De la vie, loin des barreaux, là où la couleur des tenues varie.  
Il n'avait cherché à contacter personne, personne n'avait cherché à le faire non plus.
A peine entré dans le bar qu'un relent d'alcool et de transpiration lui chatouilla les narines. La musique était forte, l'air était presque étouffant. Silas en fut déconcerté. Il pensait ne pas avoir oublié, mais les vieilles habitudes semblaient lui faire faux-bond. Partagé entre un sentiment de malaise et l'envie de fêter son retour, ses mains se glissèrent dans les poches de son jean, et du côté gauche, ses doigts caressèrent son couteau. Il se sentait plus en sécurité avec. Finalement, Silas s'avança vers le bar, passa outre la sensation d'oppression. En buvant sa première gorgée de whisky, il eut une pensée pour son compagnon de cellule avec qui il aurait bien trinqué.
L'alcool coula lentement mais sûrement, et au bout du troisième verre, lorsque son regard parcourut la salle, il cru à un mauvais tour de la boisson quand il tomba sur une silhouette qu'il connaissait. Il l'aurait reconnu les yeux fermés et son pouls s’accéléra. Carys, son amie d'enfance. Il n'avait pas prévu de retrouvailles et fut pris au dépourvu. Clairement, Silas savait qu'il ne pouvait pas la laisser s'échapper. Verre en main, il joua du coude pour venir à elle, détruire les kilomètres et les années qui les avaient si longuement séparés de sa pote. Bien sur, elle n'était pas seule. Bien sur, le monde avait continué de tourner quand il était enfermé dans sa cage. Il se foutait de savoir s'il dérangeait. Sa main glacée se posa sur l'avant bras de Carys, un peu trop brusquement, il s'en rendit compte trop tard. Alors, comme s'il venait de se bruler, ses doigts s'éloignèrent à contre-coeur. Mais c'est son corps entier qui s'enflamma quand enfin, elle posa son regard sur lui. Il y avait un petit quelque chose en elle qui avait changé sans qu'il ne parvienne à déterminer quoi. Sa voix rauque se perdit un instant, avant qu'elle ne retrouve les mots qu'il voulait :
« Alors, on fête mon retour, Aylward ? »